Cédric AUBURTIN, chargé de mission territorial Vienne et Deux-Sèvres au Conservatoire Régional d’Espaces Naturels (CREN) de Poitou-Charentes.
Comment avez-vous travaillé avec LISEA dans le cadre de la démarche ERC, visant à « éviter, réduire, compenser » l’impact de la LGV sur son environnement ?
Nous avons au départ travaillé avec COSEA, puis avec LISEA par la suite. 80 % des mesures de compensation environnementale doivent se faire par conventionnement, et 20 % par acquisition : c’est dans le cadre de ces 20 % que nous intervenons. Nous travaillons ainsi sur des mesures qui sont durables puisque les parcelles en question, acquises par l’intermédiaire de LISEA/COSEA, nous sont ensuite rétrocédées.
Ces parcelles nécessitent au départ une restauration écologique. Le CREN et les associations de protection de la nature et de l’environnement, avec lesquelles nous travaillions déjà avant les mesures compensatoires de la LGV-SEA, ont conjointement défini des zonages intégrant des habitats naturels restaurables. Au sein de ces zonages, des acquisitions à l’amiable ont eu lieu par l’intermédiaire de la SAFER (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural). Avant que ces parcelles ne nous soient rétrocédées par LISEA, sur chaque site un diagnostic plus poussé est réalisé : il sert de base à la rédaction d’un plan de gestion d’abord soumis au Conseil scientifique et technique (CST) du CREN puis aux services de l’Etat. C’est une fois que ces services ont rendu un avis positif que les parcelles peuvent effectivement nous être rétrocédées. La base des cahiers des charges appliquée sur ces parcelles a été prédéfinie lors de groupes de travail préalables qui ont réuni acteurs du territoire et experts naturalistes, mais, pour ce qui est du Conservatoire, nous appliquons ensuite un itinéraire de restauration/gestion sur-mesure propre à chaque site de compensation environnementale grâce au diagnostic écologique initial. Chaque site est également doté d’une annexe budgétaire au plan de gestion (budget propre au site) pour envisager les travaux de génie écologique et de gestion du site : le tout est financé par LISEA/COSEA.
En phase de gestion (après l’étape de restauration), il est fréquent que le CREN installe sur les parcelles des exploitants agricoles par le biais de Baux ruraux à clauses environnementales (BRCE). Les exploitants gèrent ensuite les parcelles en suivant les cahiers des charges préalablement définis.
Comment cela se passe concrètement avec les agriculteurs ?
Après avoir mis ces parcelles à disposition des exploitants, le CREN vérifie que les cahiers des charges sont bien respectés. Si c’est le cas, cela déclenche un paiement des indemnités aux exploitants. Ces baux seront tacitement renouvelés tous les 9 ans à partir du moment où les clauses environnementales sont respectées, ce qui est sécurisant pour l’exploitant.
Les mesures de compensation environnementale se poursuivront ainsi durant toute la durée de la concession, c’est-à-dire jusqu’en 2061.
Dispose-t-on de premiers résultats pour ces mesures de compensation ?
S’il est aujourd’hui encore très tôt pour tirer un premier bilan de toutes les mesures compensatoires, nous pouvons d’ores et déjà constater, en plaine par exemple, que des habitats restaurés permettent d’offrir des couverts prairiaux aux différentes espèces d’oiseaux. Nous voyons déjà les premiers résultats : comportements de nourrissage, nidification, etc. Par exemple, pour l’outarde canepetière, la réponse positive ne se fait pas attendre car c’est une espèce qui manque cruellement de surfaces herbagères.
Quand nous le pouvons, nous réintégrons même des graines d’origine locale dans les semis de prairies, cela apporte un plus car les espèces qui résultent de ces mélanges ont une génétique locale, sont adaptées à ces milieux et sont bien en adéquation à nos insectes pollinisateurs (ex : date de floraison).
Une des mesures les plus fréquentes convenue avec les agriculteurs est la gestion des couverts par le biais de fauches tardives, afin de ne pas intervenir au moment où les oiseaux nichent sur ces parcelles.
Quel bilan pouvez-vous dresser de cette méthode de travail engagée avec LISEA ?
Dans le cadre des mesures compensatoires environnementales, il est très important de travailler tout en ayant la propriété des parcelles, cela rend le foncier inaliénable : c’est une garantie dans le temps que le travail engagé ne sera pas réduit à néant. Nous sommes donc sur une démarche pérenne, qui permet de compenser plus efficacement l’impact sur l’environnement.
Le fait que les acquisitions aient lieu à l’amiable aide à travailler sereinement avec les particuliers et la profession agricole.
Sur chaque site nous réunirons régulièrement des comités de pilotage. Nous resterons bien évidemment intransigeants sur le fait que cette compensation doit rester ambitieuse, mais le dialogue reste ouvert pour améliorer, adapter les plans de gestion, qui sont d’ailleurs reconduits à intervalles de temps réguliers et de nouveaux soumis à validation. Au début, nous étions à la recherche d’exploitants agricoles pour travailler ensemble dans le cadre des mesures compensatoires environnementales, aujourd’hui ce sont parfois eux qui viennent vers nous pour développer cela sur de nouvelles parcelles.